theatrum mundi - Page 2
-
... et vous aussi, exprimez-vous, ça nous tiendra lieu d'art...
Pascal Adam, Le Miroir (2010)Lisez aussi mes Autofictions complètes.Les enchères sont donc ouvertes ci-dessous. -
Fiction ? Vous avez dit fiction ?
Un certain nombre de romans banals gagneraient à être ramenés, par exemple, à maximum dix lignes dialoguées, paraissant ainsi pour le symptôme qu’ils sont ; l’époque gagnerait à être dite en une compilation ordonnée de ces dialogues : on pourrait ainsi aller où le roman ne peut. Un tel livre essuierait bien sûr le feu dérisoire de tout le système éditorial. Je plaisante.
-
Anti-journalisme
Les opinions portent sur tout et sur n’importe quoi, sans cesse. Il s’agit d’en avoir le moins possible et, fort de cela, de lancer la charge de la comédie à l’endroit exactement de la société de son temps où elles font rage, révélant ainsi, toutes, leur extrême ridicule, leur pathétique frôlant parfois la tragédie. Il s’agit d’être le champ de bataille, l’air que respirent les personnages et, même, à ces opinions près, tout ce qu’on peut de ces personnages ; et s’il demeure une opinion personnelle, de la fourrer dans la bouche du plus idiot d’entre ceux-là.
-
Très mauvais
– Tu ne peux donc pas dire les choses directement, au lieu de les mettre toujours en dialogues ?
– Les dialogues permettent au moins de n’être jamais d’accord, jamais tout à fait d’accord en tout cas, avec ce qu’on y écrit.
– C’est ce que je dis, il y a toujours quelque chose qui ment dans le dialogue.
– Et en même temps, c’est la seule honnêteté possible. Pourquoi faudrait-il croire à quoi que ce soit, d’ailleurs ?
– Mais ce n’est pas sérieux. Tu dis des choses sur ce monde, les laisse entendre au moins, et tu voudrais faire croire en même temps que tu en es dégagé.
– Je n’ai pas dit que le fait d’écrire – ou de penser – des dialogues solutionnait tout. Mais au moins cela indique le problème, et du coup ne triche pas – ou moins – avec.
– Cela devrait aussi impliquer que tu taises ce en quoi tu crois vraiment.
– Possible. Ou alors, je mets en dialogue aussi ce en quoi je crois, pour m’en dégager – puisque celui qui parle est toujours, d’une manière ou d’une autre, un imbécile.
– Pour te lire, avec les outils de recherche modernes, il faudrait alors déduire ce qu’est ce dont tu ne parles pas et autour de quoi tu parles.
– Ecriture centrifuge, lecture centripète.
– C’est ça. Mais là, nous sommes arrivés à la question de la censure.
– Et de l’autocensure.
– Tu veux dire que le dialogue sert à rendre l’autocensure productive, à lui faire passer le cap de la censure : à dire ce qui est interdit, mais d’une façon telle que la censure ne puisse l’appréhender.
– Oui.
– Au risque d’égarer, voire de perdre un certain nombre de lecteurs, donc.
– Les plus mauvais seulement. Mais qui peuvent être nombreux.
– Où est la censure, aujourd’hui ?
– Elle est à l’œuvre dans toutes les instances qui peuvent vous faire un procès pour ce que vous dites et qui ont pour seule éthique de développer le plus gros travail de paranoïa possible, et par extension dans toutes les instances qui les soutiennent on ont peur d’elles. Ce qui, tout de même, commence à faire.
– Une telle censure ne peut-elle pas être légitime, au moins parfois ?
– Elle est toujours légitimée, c’est certain ; au moins partiellement. Quant à savoir si elle peut être pleinement légitime, ce n’est pas mon problème. Parce que mon problème est de faire en sorte que l’autocensure permette de franchir la censure. Et c’est tout.
– La censure peut aussi conférer la gloire, aujourd’hui.
– Mais elle opère tout de même. Même après qu’elle sera levée. Elle aura rendu l’œuvre illisible, c’est-à-dire lisible seulement selon son critère.
– Tu pourrais faire un dialogue de cette conversation ?
– Oui, mais ce serait vite didactique. Et donc très mauvais.
-
Après la fermeture
« La mort naturelle de l’Esprit d’un peuple peut se manifester par la nullité politique. C’est ce que nous appelons l’habitude. (…) Peuples et individus meurent ainsi de leur mort naturelle. Les peuples continuent à durer, leur existence est sans intérêt, sans vie. Celle-ci n’a plus besoin de ses institutions parce que ce besoin a été satisfait. Elle n’est que nullité politique et ennui. La négativité n’apparaît plus comme lutte interne, combat. (…) Dans une telle mort, un peuple peut se sentir fort à son aise, bien qu’il soit sorti de la vie de l’Idée. »
Hegel, La Raison dans l’Histoire.
Ubicumque lingua romana, ibi Roma.
hop